Francis Dusserre vient de me prendre des mains le clavier pour vous écrire lui même sa vision du message des Amazones de Palomita. Comme moi il a apprécié le travail théâtral (adaptation, conception, mise en scène) de Béatrice Barnes, il veut parler maintenant du "message" de Palomita.
J'en profite pour rappeler que ce BLOG peut être interactif, à vous d'y laisser vos commentaires.
Paul Charles.
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Le retour des hommes.
Maintenant il
n’est plus nécessaire de ménager le suspense.
Maintenant
on peut révéler la fin de la pièce: les hommes reviennent au village.
Ils rentrent
vaincus, épuisés, ayant perdu illusions et honneur. Les enrôlés de force (les « malgré
nous ») ont fini par fraterniser avec les guérilleros, fraterniser au sens
propre c’est-à-dire devenir frères dans la défaite et la honte. (Syndrome de
Stockholm, fraternité des armes ou de l’épreuve ?)
Le premier
accueil des femmes est un élan, un temps de tendresse qui ne présage rien de
l’avenir, ce ne sont que quelques gestes instinctifs.
Arrive Cléo,
celle qui, par la voix et la stature, dirige le village. C’est elle qui brise l’élan d’un
rapprochement hommes-femmes. Les hommes ne rentrent pas dans « leur
maison », « chez eux » ils sont regroupés dans un local communal,
hommes du village et guérilleros confondus. Ils parlent entre eux ; devant
la nouvelle situation chacun retrouve
son caractère :
Les hommes
sont partagés et l’expriment.
- Alfonso est prêt à assumer tout ce qu’il a fait,
il accepte l’amnistie pour continuer sa « vie d’homme », refuse tout
changement, pour lui la guerre n’a rien changé ce ne fut qu’un intermède;
illusion. Il préfère revivre ailleurs que de changer de vie dans son village.
Il est le seul à refuser la Palomita des femmes alors il part, mais il part en
criant « Traitres, Voleurs…"
En berrichon comme en anglais,
« crier » ou « to cry » c’est pleurer, Alfonso part en
pleurant et au fil des représentations en pleurant plus qu’il ne crie.
- César,
comme avant son départ, reste sur l’idée
d’une possibilité de partage entre femmes et hommes ; partage des
responsabilités et du travail.
- Le Maire
rentre encore plus fatigué qu’à son départ lui qui préférait déjà jouer aux
dominos plutôt que d’assumer son rôle de magistrat n’a qu’une envie c’est de se
reposer ; les femmes gouvernent eh bien tant mieux, ce sera ça de moins à
faire, le village n’est pas plus mal tenu qu’avant quand il était sous la
direction d’un incapable, pourquoi se fatiguer ? Si Rosalba veut bien lui
laisser un petit coin où il puisse rejouer aux dominos avec Eusebio c’est tout
ce qu’il demande. Le seul ordre qu’il est capable de donner, c’est de dormir.
- Eusebio a
déjà connu une transplantation et la nécessité d’oublier une histoire dont il a
été la victime, les victimes se taisent très souvent. Il est prêt à se
transplanter à nouveau dans la nouvelle Palomita.
- Alberto
est sans doute le seul qui tout en déclarant ne pas être convaincu par la
nouvelle Palomita est prêt à y vivre parce que ce sera avec sa femme. Amour ?
Reconnaissance de ce qu’elle a su faire en son absence ?
On peut
imaginer que les femmes se sont regroupées aussi pendant la nuit, elles ont
parlé ou ont écouté Cléo ?
A l’aube, ce
sont elles qui apportent le verdict aux hommes à peine réveillés. L’aube est
propice à ce genre de choses. Les femmes sont claires avec les hommes :
inutile de parler voici les conditions de votre reddition.
Palomita a
changé. Il n’est plus question de revenir à Palomita 1 , il n’est pas non plus question
d’envisager une Palomita 3 construite avec les hommes. Le seul choix, c’est
Palomita 2 ou la valise, un point c’est tout.
Les hommes
choisissent de rester ou de partir en pleurant.
Arrive le
miracle. Au
village sans hommes, un enfant naît par la grâce « du vent des
papillons jaunes ».
Palomita
n’a plus besoin des hommes, même pour procréer.
Toutes
les manœuvres naturelles ou archaïques pour perpétuer l’espèce (comme le
recours au Père Raphaël) sont devenues inutiles.
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Apollon - Athènes F.D |
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Les hommes au banquet - Paestum . F.D |
BONUS : Conclusion personnelle de Francis Dusserre
Cécilia a raison de ne pas croire au miracle.
Le vent des papillons: ce sont les manipulations génétiques et les utérus artificiels;
C'est la fin d'une société sexuée, l'arrivée du troisième sexe, on va "être humain" mais des humains enfin sans sexe ou plutôt avec deux sexes, les deux à la fois, voués au seul exercice du plaisir déconnecté de la procréation...Mais ça c'est la thèse, l'espoir d'un certain James Canon auteur de "Dans la ville des veuves intrépides"...
Les Amazones de Palomita ne vont pas si loin, elles ne sont même pas de pures féministes. Leur féminisme n'est que le rejet de la société occidentale, leur opposition aux hommes n'est due qu'au rejet de ceux qui sont censés avoir construit cette société, comme si les femmes n'avaient pas participé à cette construction.
La Palomita idéale c'est le rêve de nos années "70", les communautés sur le Larzac, l'autosubsistance et les cultures vivrières pré-écologiques, l'uniformisation de "l'Ensemble" maoïste et l'espoir que, de ce que l'on appelait encore le tiers monde, viendrait enfin le salut pour un monde occidental coupable et responsable de toutes les misères du monde.
Et pour la sexualité. Autre question majeure des "70".
Sexualité collective, "peace and love", soviet des prostituées où le très maoïste "pas le temps pour le sexe" ?
Et l'amour ?
Le seul vrai amour exprimé est celui de Paolo et Julio.
La guerre des sexes autorise-t-elle des fraternisations?
Qu'en pense le commissaire politique Cléo ?
Que vont devenir Lucia et César ?
On repart avec toutes ces questions, mais c'est une bonne chose de les avoir posées.
Francis Dusserre
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Prochain rendez-vous Mercredi 10 août....
Paul Charles